
Y A-T-IL DES TEXTES «
SACRÉS
» EN PHILOSOPHIE ? 243
complètes
de
Staline
fut
tirée
à
cinq cent mille exemplaires (voir
G.
WETTER,
Le
matérialisme
dialectique,
s.l.,
Desclée de Brouwer, 1962, p. 225-226).
22
J.
BRUHAT,
//
n 'estjamais trop
tard,
op. cit., p.
188.
23
A cette époque, Jean Kanapa (1924-1978), agrégé de philosophie, adhérent du
PCF
suivait
à
la
lettre Andreï Jdanov (1896-1948)
qui
dirigea
la
politique culturelle
de
l'ère stalinienne.
Il pourfendait donc tout
ce qui
n'était
pas
communiste
et se
solidarisa ensuite avec
les
pires
méfaits
du
stalinisme finissant comme
les
grands procès
en
Europe
de
l'Est
ou le
«complot
des blouses blanches». Ayant découvert
par la
suite
les
horreurs
du
système,
il
devint
un
khrouchtchevien convaincu.
24
La
Nouvelle Critique. Revue
du
marxisme militant, Paris, n°
1,
décembre 1948, p.
5.
25
Philosophiquement
et
politiquement, cette lignée demeura longtemps indiscutable pour
les marxistes. C'est ainsi qu'en 1951, Emile Bottigelli, alors responsable pour
les
Editions
sociales
de la
troisième édition des Etudes philosophiques
de
Marx
et
d'Engels, écrivait dans
sa note introductive, outre certaines références
au
rôle
de
Staline, qu'il serait «bien difficile
d'opposer, comme seraient tentés de
le
faire certains chercheurs bourgeois, la pensée de Marx
et
celle d'Engels ou de chercher entre eux des différences fondamentales. De même
que
c'est une
entreprise vaine d'opposer les écrits du jeune Marx
à
ceux de l'époque
du
Capital» (voir «Note
de l'éditeur», dans
K.
MARX,
& Fr.
ENGELS,
Etudes philosophiques, Paris, Editions sociales,
1951,
p. 8 et
10-11).
Il y
avait donc bien
ici en 1951 une
même ferme opposition
à
rompre
l'unité
de
départ
du
marxisme: Marx-Engels
-
J.-P.
Cotten
est
plus nuancé quant
à la
position
de Bottigelli, bien qu'il juge sa présentation des Etudes philosophiques des plus caractéristiques
de
la
dureté des affrontements intellectuels
de la
guerre froide (voir
J.-P. COTTEN, «
Les
«
Etudes
philosophiques»
de
Marx
et
Engels:
la
constitution
d'un
corpus légitime», dans 1883-1983
L'œuvre
de
Marx,
un
siècle après,
op. cit., p. 43). Or,
c'est exactement cette unité Marx-
Engels
et son
lien avec
le
marxisme
que
Maximilien Rubel (1905-1995)
a
contestée
en 1970,
non sans provoquer encore
à
cette époque
de
vives oppositions. Après
des
études
de
droit
et
de philosophie dans
les
années vingt
à
Czernowitz, Rubel entra
en
1946
au
CNRS.
En
1954,
il
soutint
sa
thèse
de
doctorat
es
lettres: Karl Marx. Essai
de
biographie intellectuelle avec
en
complément une Bibliographie
de
l'œuvre
de
Marx
(et
d'Engels). Auteur de nombreux articles
-
un
ensemble significatif (1957-1973)
a été
publié sous
le
titre: Marx critique
du
marxisme
(1974)
-,
directeur des Etudes
de
marxologie, Rubel
a
aussi annoté
et
édité Y Œuvre
de
Marx
dans
la
Bibliothèque
de
Pléiade entre
1965 et 1994.
Pour Rubel
- qui
parlait
du
marxisme
comme d'une «idéologie
de
parti
et
d'Etat tout autant
que
doctrine pseudo-religieuse»
(M. RUBEL,
« Présentation », dans Marx critique du marxisme, Paris, Payot,
l
re
éd.
1974,
Payot &
Rivages, 2000, p. 42), c'est Engels lui-même (et non pas Marx)
qui
serait l'artisan
de la
genèse
du marxisme. L'image
de
Marx comme
«
fondateur
du
marxisme
»
est à
ses yeux
un
mythe
qui
repose
sur la
plus grande mystification
du
xx*
siècle: faire prendre pour une société socialiste
ce
qui ne fut
qu'une nouvelle forme
de
domination. Pour Rubel,
le
«marxisme» n'est
pas un
produit authentique
de la
pensée
de
Marx. Dès le milieu des années cinquante,
à
l'époque
de sa
thèse,
il
écrivait déjà qu'« Engels,
à un
degré beaucoup plus fort que Marx, apparaît comme
le
promoteur
du
«marxisme», autrement
dit de la
mise
en
système
et de la
schématisation
d'un
enseignement
qui se
voulait
à
l'antipode
de
toute idéologie»
(M.
RUBEL,
Bibliographie
des
œuvres
de
Karl Marx, avec
en
appendice
un
répertoire des œuvres
de
Friedrich Engels, Paris,
Marcel Rivière, 1956,
p. 34). Et
cette hypothèse
de
Rubel, fidèle
à son
«Marx, critique
du
marxisme
»,
provoqua, non plus
à
l'époque de Bottigelli en
1951,
mais vingt après,
en
1970, des
oppositions radicales lorsqu'il tenta de
la
formuler publiquement
à
l'occasion d'une conférence
internationale lors
du
cent cinquantième anniversaire
de la
naissance d'Engels
en
soutenant
alors
que «le
marxisme n'est
pas
venu
au
monde comme produit authentique
de la
manière
de penser
de
Karl Marx, mais comme
le
fruit légitime
de
Friedrich Engels.
Si
tant
est que le
terme
de
«marxisme» recouvre
un
concept rationnel,
ce
n'est
pas
Marx mais Engels
qui en
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